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L'intelligence collective

L’#intelligencecollective est un phénomène bien connu des entomologistes ou des cybernéticiens.

 

Ce phénomène se caractérise par le fait qu’un groupe d’individus qui coopèrent entre eux est plus efficace que la somme de ses membres. Dans l’espèce humaine, ce phénomène est à l’origine des sociétés premières et, de nos jours, se produit spontanément au sein de groupes restreints et soudés autour d’un projet #fédérateur : famille, passion commune, etc. Avec le développement des outils de communication en réseau, il est tentant de généraliser ces phénomènes au sein des entreprises.


Dans un univers économique de « best practices » connues, tabulées et généralisées, de #processus normés, de #productivité optimisée en permanence, quels leviers de croissance durable subsiste-t-il ? La mise en exploitation des gisements d’avantages concurrentiels que constituent l’innovation, la décision et les processus collaboratifs pourrait bien être l’alternative aux logiques traumatiques de « downsizing » et de délocalisations. Ajoutons que l’intelligence collective ne concerne pas seulement les collaborateurs de l’entreprise, mais bien l’ensemble des parties prenantes impliquées dans le succès de ses projets : idéalement, clients, fournisseurs, co-traitants peuvent être sollicités dans une logique de #coopération.


NB : pour conserver au présent article un caractère général, on a soigneusement évité toute discussion technique sur les outils mis en œuvre, au profit d’une réflexion sur les phénomènes sociaux mis en jeu.


Communication, réflexion, décision : rôle exact de l’intelligence collective

L’intelligence collective constitue la couche supérieure de l’intelligence augmentée. Elle tire parti du « #knowledgemanagement », mais va plus loin. En effet, celui-ci permet d’archiver et d’échanger rapidement de l’information dont il appartient à chacun de juger la pertinence. C’est un outil de mutualisation du savoir, mais qui se contente de diffuser une matière brute, sans la raffiner. Il constitue un préalable à l’intelligence collective, qui ne se limite donc pas à la communication en réseau.


A l’inverse, l’intelligence collective n’est pas non plus un processus de décision collective. L’intelligence collective permet d’alimenter les instances dirigeantes pour leur permettre de mieux mettre en perspective les éléments à prendre en compte, les conséquences à divers horizons de temps, la mesure des effets produits, etc. de leurs décisions, sans prétendre d’ailleurs assurer leur pertinence (seulement la favoriser). Pour autant, il ne s’agit pas de substituer aux instances de décision des mécanismes « collectivistes ». Instituer ainsi une culture du consensus et de l’unanimité serait même aux antipodes des principes d’intelligence collective, qui reposent sur la remise en cause par chacun des a priori de l’équipe : l’intelligence collective suppose des individus libres et responsables, ni cavaliers seuls, ni moutons.


La véritable intelligence collective consiste en effet en une #réflexioncollective, une #mutualisation des facultés d’analyse visant à élaborer à plusieurs de l’information sensée, « à valeur ajoutée », généralement en agrégeant ou en raffinant une information préexistante. Il s’agit d’un processus créatif, innovant. Il postule un esprit critique acéré et une capacité à produire, accepter et intégrer des pensées originales pour ne laisser inexploitée aucune connaissance, aucune idée, aucune expérience des contributeurs, via un dialogue ouvert, reposant sur la confiance mutuelle.


Bien souvent, il s’agit tout simplement d’officialiser et de canaliser les débats informels qui, n’en doutons pas, ont lieu dans les « espaces détente » de l’entreprise : on assure ainsi une uniformité d’information et d’implication qui aidera à faire accepter la décision finale, quelle qu’elle soit (les frustrations exprimées sont à moitié digérées)… et on obtient un baromètre social fort utile pour les dirigeants.

L’un des défis à relever par l’entreprise pour tirer parti du potentiel de l’intelligence collective est donc d’adapter ses modes de management pour susciter et intégrer, en amont des prises de décision, des phénomènes de réflexion collective.


L’attitude coopérative : un pré-requis indispensable… éloigné des attitudes traditionnelles

Au-delà même du monde de l’entreprise, il est implicite que le devoir de chacun est de veiller à ses intérêts avant ceux de son prochain : des dictons comme « charité bien ordonnée commence par soi-même » en sont le reflet traditionnel. Cet avis, très largement partagé au point d’être rarement mis formellement en cause, repose sur un certain nombre de postulats, par exemple « si je ne fais pas mon travail, personne ne le fera pour moi, donc je n’ai pas de temps à consacrer aux autres », ou bien « de toute façon, les autres ne m’aideront pas, inutile donc de perdre mon temps (et de perdre la face !) en admettant que j’ai besoin d’eux », ou encore « les autres ne m’ont rien demandé, pourquoi les déranger en leur offrant une aide non sollicitée ? ce serait du dernier sans-gêne ».


Il est amusant de constater que ces postulats sont #autoréalisants : celui qui n’ose pas demander d’aide n’en reçoit pas et a tout loisir de se plaindre du chacun-pour-soi qui règne, celui qui refuse son aide se retrouve souvent marginalisé, et surtout un système individualiste peut parfaitement fonctionner (à son rythme…) tant qu’un hurluberlu coopératif ne vient pas le perturber. C’est un parfait cas d’application des mécanismes psychologiques de projection : n’ayant pas envie de participer, je pense que les autres non plus, ce qui prouve bien qu’il est inutile pour moi de faire le premier pas… Il est également amusant de constater à quel point la fierté que confère l’autosuffisance pèse lourdement dans les décisions inconscientes de non-coopération. L’amour-propre mal placé est un coriace obstacle à la mise en place de phénomènes d’intelligence collective entre individus sans liens de confiance pré-existants.


A l’inverse, d’autres comportements en apparence coopératifs, mais mal motivés ou mal mis en œuvre, passent à côté de l’objectif. Il en va ainsi du « mêle-tout » qui retire une satisfaction d’amour-propre à venir apporter commentaires et avis aux projets des autres, dont il se tient au courant par une veille inlassable, même lorsqu’on lui fait comprendre que son aide n’est pas requise. Et également de « l’inapte » qui, sous couvert de transparence, implique systématiquement le plus grand nombre possible de collaborateurs dans ses projets, leur sous-traitant de fait la réalisation pratique des opérations. Et que dire du « grand manager » qui, pour affirmer qu’il sait #déléguer et #motiver par la #confiance réciproque, laisse en pratique ses subordonnés se débrouiller seuls en toutes circonstances…


Ces freins semblent particulièrement forts dans nos cultures latines, qui perçoivent les mécanismes, et surtout les outils informatiques, de l’intelligence collective comme déshumanisants. C’est assez paradoxal car l’enjeu est justement de réintroduire dans l’entreprise une dose d’informel, de #nonhiérarchique, d’#expérimental, au point de susciter la méfiance de certains dirigeants conservateurs. Le problème tient peut-être à des habitudes prises qui consistent à cloisonner nettement le respect apparent du formalisme institué et le travail réel par réseaux officieux. L’attitude coopérative dérange donc, en mettant au grand jour, pour le bien commun, la sortie des sentiers battus, et en imposant aux dirigeants de reconnaître sa valeur. L’informel formalisé : voilà bien un paradoxe de nature à perturber ceux qui s’épanouissent dans des systèmes schizophréniques ou staliniens.

Car l’attitude coopérative est non seulement réciproque (donnant-donnant), elle est aussi #proactive : donner d’abord pour recevoir ensuite. La participation passive à divers comités, groupes de projet, etc., consommatrice majeure de ressources en entreprise, n’est ainsi en rien coopérative. De même, le collaborateur zélé à répondre aux moindres demandes d’information ou d’assistance ne fait pas preuve d’esprit coopératif mais de diligence : il lui manque la spontanéité. Cette différence n’est pas anodine : si c’est, par exemple, par peur des représailles qu’il agit ainsi, la qualité de l’assistance qu’il fournit ne sera pas la même que si c’est l’intérêt collectif qui le pousse.


Enfin, le collecteur frénétique d’informations a beau faire savoir que son fonds d’archives est à la libre disposition de ses collaborateurs, il ne fait preuve d’une attitude coopérative que lorsqu’il prend l’initiative de relayer les informations qu’il juge pertinentes à ceux qui, d’après lui, en ont l’usage. Il lance ainsi une mécanique de coopération, qu’on espère susceptible de favoriser la réflexion collective, mais dont le mouvement ne s’entretiendra de lui-même que si les destinataires lui en savent gré, précisent leurs besoins pour affiner les envois futurs, transfèrent à leur tour de l’information et n’oublient jamais que leur corbeille est là pour accueillir les documents inutiles : on est bien dans la réciprocité.

Il importe alors de garder à l’esprit qu’une information n’est pertinente que lorsque, outre son contenu, son format (notamment, son volume), le moment et le canal de sa diffusion et ses destinataires font l’objet d’une réflexion critique préalable à la diffusion : c’est ce qu’on appelle l’#intelligence des situations. Pour autant, on constate trop souvent que ce comportement de partage spontané est assimilé abusivement à du « spamming » interne et condamné par certains, y compris parmi les dirigeants ou les responsables RH. Cet état de fait provient généralement d’une incompréhension fondamentale de l’#intention : souci de marquer sans équivoque un territoire sur lequel toute suggestion est perçue comme une intrusion, peur des dirigeants devant ce qui ressemble à une organisation parallèle des salariés (d’autant qu’elle est informelle et incontrôlable), culture de l’application servile de modèles dans laquelle l’innovation est perçue comme une déviance…


L’attitude coopérative repose également sur un respect fondamental pour ses interlocuteurs : elle postule en effet qu’eux aussi sont compétents, responsables, et disposés à #mutualiser leurs ressources. Car c’est souvent un mépris diffus pour autrui qui pousse à éviter de coopérer : « ces abrutis ne comprendront rien à mon problème/ à la solution que je leur propose » ou bien « inutile de compter sur eux pour répondre à mes appels à l’aide/ pour me renvoyer l’ascenseur si je vais les aider ». On tombe à nouveau dans l’orgueil mal placé : on peut avoir une haute opinion de soi-même, mais il faut en avoir une aussi haute d’autrui : en somme, la #coopération est le fait de gens qui n’ont rien à prouver.

Elle repose en outre sur une disposition à renoncer temporairement à contribuer à ses objectifs propres pour contribuer à ceux du groupe. Le critère d’#allocation des efforts est alors la rentabilité de l’emploi de l’énergie : si en me fatiguant autant, je contribue plus au collectif qu’à moi-même, alors je peux contribuer au collectif. Tout est une question de compréhension des objectifs et de sens du moment opportun. Naturellement, chacun y est d’autant plus disposés que la structure a prévu des mécanismes d’identification et de rétribution de tels comportements, i.e. qu’il y a bel et bien #convergence des intérêts du collaborateur et de l’entreprise, et non exploitation. La relation à établir entre salariés comme entre l’entreprise et les salariés est de type #gagnantgagnant.


Modes de management

Les principaux freins à l’émergence des phénomènes collaboratifs en entreprise sont culturels ou psychologiques (ex. : pas de valorisation sociale de la coopération), organisationnels ou techniques (ex. : manque de moyens de communication adaptés) ou relèvent des compétences (ex. : animation collective). Outre l’évidente responsabilité de l’entreprise dans la mise à disposition d’outils favorisant l’émergence des phénomènes d’intelligence collective, son rôle moteur tient donc également à inciter à coopérer et rendre aisée la coopération. Les leviers dont elle dispose sont les outils classiques du management : organiser, #mesurer, rétribuer. C’est en les exerçant qu’elle remplit son rôle d’#engagement des employés dans l’action.


Ainsi, le pendant naturel de la coopération est la compétition. Il est traditionnellement établi dans nos sociétés que l’#excellence ne se mesure que relativement et que la comparaison des performances est un puissant outil de motivation : que l’on songe au prestige des concours académiques ou administratifs, des compétitions sportives, des trophées artistiques, des « challenges » commerciaux, etc. Mais la compétition repose autant sur la défaite des concurrents que sur le succès du candidat. Les effets pervers de la compétition lorsqu’elle s’exerce au sein de l’entreprise sont connus : sabotage des chances des concurrents, constitution de coteries dont les membres se protègent les uns les autres, dissimulation de l’incompétence plutôt que recherche de l’amélioration…

Il semble donc opportun de concentrer la compétition sur les concurrents de l’entreprise et de la dévaluer entre collaborateurs, en appliquant quelques principes simples de théorie des jeux. La promotion de la coopération permet en effet, sans bien sûr les éradiquer, d’offrir une alternative aux dérives précitées. En #responsabilisant l’individu, non pas sur sa capacité à écraser ses collaborateurs, mais sur le succès collectif, on limite étroitement la volonté de nuisance : ce n’est pas un duel, on peut être gagnant sans que l’autre soit perdant. De plus, on fait de la loyauté envers la structure un #investissement rentable. Le risque, toutefois, est alors d’inciter à la paresse : « inutile de me fouler, mes collègues le feront bien pour moi et je récolterai ma part des fruits ». Pas question donc de cesser de mesurer la contribution de chacun.


En outre, de façon à éviter les phénomènes d’appropriation du travail d’autrui (autre risque quand chacun est incité à se mêler des travaux des autres, et qui peut conduire à remettre en place des cloisonnements protecteurs), il importe de distinguer les responsables désignés, dont on mesure l’atteinte des résultats qui leur ont été fixés, des contributeurs spontanés dont on mesure au contraire l’activité contributive, que le projet global soit couronné de succès ou non. Aucune remise en cause du pouvoir de chacun donc (contrairement à ce que certains « petits chefs » redoutent), mais une incitation à rechercher ou à proposer des contributions externes qui seront appréciées différemment.

Cette clarté de la répartition des rôles est fondamentale : le collaboratif n’est pas l’anarchie. Des profils-types, ou même des noms individuels, doivent être attachés à telle ou telle phase du processus de réflexion : collecte d’informations, analyse, soumission d’idées, synthèse, relecture, formalisation, arbitrage, mise en œuvre, capitalisation… la clé étant de respecter scrupuleusement la notion de #volontariat (nul ne contribue efficacement sous la contrainte) et la #fluidité du dispositif, chacun pouvant à tout moment migrer vers des attributions qui l’inspirent davantage. Naturellement, la contrepartie est la #lucidité avec laquelle chacun juge sa propre contribution et le #courage avec lequel il en tire éventuellement les conséquences.

On notera d’ailleurs que cette proscription recommandée de la compétition n’exclut pas pour autant l’#émulation : il reste tout à fait intéressant de faire travailler en parallèle plusieurs équipes. On crée ainsi un degré supplémentaire de maillage collectif : les collaborateurs échangent au sein des équipes, les équipes échangent au sein de l’entreprise. Outre qu’on évite ainsi de reproduire entre équipes les phénomènes de cloisonnement entre individus que l’on cherche à combattre, on multiplie ainsi la probabilité d’émergence d’idées innovantes par fertilisation croisée. C’est particulièrement vrai lors de projets qui ne font pas intervenir les salariés d’une seule entreprise mais intègrent plusieurs partenaires le long de la chaîne de valeur. La coopération n’est donc pas non plus l’absence de stimulation qui ne saurait conduire qu’à la stagnation.

Il résulte naturellement de ce qui vient d’être dit qu’au plan organisationnel, les entreprises coopérantes tendront à adopter une forme « cellulaire » : un organe de direction garant de la vision stratégique, entouré d’une multitude d’équipes temporaires, mouvantes dans leur position relative comme dans la composition de leurs membres, en perpétuelle création/ fusion/ suppression selon que leurs objectifs et leur activité justifient ou non leur existence, irriguées par des flux d’informations au sein d’espaces virtuels d’échanges qui calquent leur structure.

Par ailleurs, cette mise à l’épreuve permanente par la confrontation à autrui fait peser une certaine pression sur les salariés. Il est donc nécessaire de permettre à chacun de relativiser à tout moment les enjeux et les délais et de réallouer ses efforts sur des activités plus ou moins collaboratives. Un bon moyen consiste à favoriser la projection dans l’avenir en donnant une visibilité maximale sur les conséquences prévisibles des activités en cours ou en projet. Le flou sur l’avenir est gage d’insécurité qui paralyse l’envie et la capacité à contribuer avec pertinence.


Il ressort de ces quelques éléments d’organisation des structures et de reconnaissance des collaborateurs qu’un facteur-clé de succès est la #transparence des règles du jeu. La moindre des choses, pour réguler ce qui, finalement, relève du comportement social, est de le formaliser sous forme de règles et d’éduquer à leur mise en œuvre, comme nous sommes éduqués au savoir-vivre, par exemple. Ces règles doivent être connues de tous, à la fois pour que chacun ait la possibilité d’arbitrer à tout moment entre ses priorités individuelles et collectives et pour susciter l’indispensable climat de confiance.

En effet, il est aisé, en croyant à tort flou un sujet humain comme l’intelligence collective, de tenir dessus discours purement théorique, et d’en faire un prétexte pour manager de façon arbitraire. Mais dès lors qu’un système semble contraignant ou biaisé, le réflexe est soit la fuite (démotivation voire démission), soit la tentative de contournement pour atteindre ses objectifs personnels au détriment de l’entreprise, perçue comme hostile et manipulatrice : on est alors bien loin d’une logique de coopération. Les règles doivent donc être de bon sens, claires, rigoureuses, stables et universelles, de façon à démontrer sans équivoque qu’elles promeuvent des principes d’#équité.


De même, il importe d’éviter l’angélisme : les phénomènes collectifs n’ont lieu que si l’individu y trouve son avantage au moins autant qu’en ne collaborant pas. Il appartient donc aux équipes de se policer en écartant impitoyablement les parasites qui, sous couvert de coopération, viennent tuer le temps et se faire bien voir, en relevant les manquements aux principes collaboratifs (promesses non tenues de contributions, notamment), mais en donnant systématiquement une seconde chance aux délinquants (de façon à laisser s’exercer librement le fonctionnement par essai et erreur) et surtout en jouant elles-mêmes le jeu d’une transparence sans faille.


Outre ces aspects purement organisationnels ou humains, qui ne sont que des moyens pour susciter l’intelligence collective, il est crucial de canaliser l’énergie ainsi libérée, sous peine d’obtenir une entreprise, certes fort dynamique, mais où chacun tire à hue et à dia. Il est donc indispensable que les initiatives auxquelles sont allouées des ressources s’inscrivent nettement dans une #vision d’entreprise cohérente et, elle aussi, clairement partagée dans la durée. C’est particulièrement important à la lumière de la distinction ci-dessus entre réflexion et décision : puisque le processus de réflexion est collectif, ceux qui y ont pris part ont acquis à cette occasion un haut degré de compréhension des enjeux et des conséquences possibles. Mais comme cette phase collective ne concerne pas la prise de la décision finale, celle-ci peut éventuellement aller à l’encontre des attentes de l’équipe de réflexion, surtout si des phénomènes d’entraînement se sont produits entre ses membres.

Pour éviter la contestation ou la démotivation, il est donc indispensable que le décideur soit à même de référer sa décision, non pas à ses prérogatives hiérarchiques ou à de mystérieux facteurs qui n’auraient pas été portés à la connaissance de l’équipe, mais bien à une vision d’entreprise préalablement reconnue par l’équipe. La #responsabilité s’exerce à tous les niveaux : les dirigeants eux aussi doivent être prêts à être mis en question et à rendre des comptes au collectif. Ceux qui relèveront le gant (quitte à négocier une solution intermédiaire) en sortiront avec un prestige et une crédibilité bien plus solides que les frileux qui se rangeraient à l’avis de l’équipe pour éviter un conflit ; en contrepartie, leur équipe percevra elle aussi que l’intelligence collective ne se résume pas à l’intime conviction du collectif.


Un défi pour demain

Loin des idées reçues selon lesquelles l’égoïste est par nature solitaire ou manipulateur et l’honnête homme soucieux de consensus, il apparaît que l’homme intelligent est celui qui permet aux autres de tirer parti de ses capacités, et utilise en contrepartie les leurs pour atteindre ses objectifs, tandis que c’est l’imbécile qui s’isole ou suit le mouvement, selon qu’il recherche l’amour-propre ou la reconnaissance des autres. L’intelligence collective est ainsi le mode de fonctionnement efficace d’une société d’égoïstes intelligents. Elle donne à ses membres un avantage décisif face à des sociétés qui n’y recourent pas.

De ce fait, l’une des révolutions conceptuelles qui attendent les managers de demain consiste à passer d’un paradigme de richesses matérielles (capital, force de travail), que l’on peut conquérir ou dérober, à un paradigme de richesses potentielles (capacité à innover, envie de collaborer) qui ne peuvent être que partagées avec le consentement de l’ensemble des intéressés, faute de quoi elles cessent d’exister. Une nouvelle rupture se profile, ni économique, ni politique, ni technologique : humaine.

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