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Épisode 2 #ED : Les constats initiaux

Pourquoi s'être lancés dans l'Entreprise Diffuse ?

 

Au cours de son existence, au travers de sa famille, ses amis, ses expériences professionnelles, son parcours scolaire, l'individu crée ou rejoint différents cercles relationnels, des communautés, des groupes dans lesquels il évolue. L'anthropologue Robin Dunbar a estimé à 150, le nombre d'individus avec lesquels une personne est en capacité d'entretenir une relation stable et durable. Et, l'évolution de notre société aujourd'hui rend le nombre de Dunbar encore plus significatif.

Paradoxalement, nous entendons souvent parler de délitement du lien social, de dispersement des individus, de montée de l'égoïsme et de l'individualisme. Aujourd'hui, nous proposons à travers le concept de l'Entreprise Diffuse, une prise de conscience de la multitude des liens relationnels qui existe chez chaque individu et de leur (re)donner du sens et de la force pour l'individu, notre société et enfin nos organisations.


Les constats de départ


L'Entreprise diffuse est l'aboutissement d'un processus d'émancipation de l'individu au travail

L'observation du vivier d'interactions dans une entreprise met en exergue trois formes principales de liens sociaux : les liens de subordination, les liens de coopération et les liens interpersonnels. Les liens sociaux se structurent et sont déterminés par le contexte, la temporalité ou encore les différents individus. C'est pourquoi, les évolutions du monde du travail au fil du temps, ont naturellement modifié la présence et les rapports de force entre ces liens dans nos organisations.


Depuis la nuit des temps, le lien de subordination entre un supérieur et ses subordonnées est au coeur de nos organisations. La signature du contrat de travail établit juridiquement la relation d'autorité entre un collaborateur et sa hiérarchie : ces derniers émettent un ordre ou une décision, le collaborateur s'y soumet. Mais depuis le dernier tiers du XXème siècle, nous observons une crise du lien de subordination dans notre société (famille, éducation, religion, travail) et nos organisations. Evidemment, le rapport d'autorité entre employés et employeurs ne peut disparaître complètement, tant qu'il s'exprimera toujours à travers les contrats de travail ou la présence de hiérarchie, mais il s'affaiblit au profit des liens de coopération et interpersonnels. La frénésie de l'externalisation en a été le terreau.


Aujourd'hui, les liens interpersonnels sont devenus progressivement le principal vecteur de la vie sociale. L'homme est un être social, les relations interpersonnelles existent donc naturellement chez lui mais il a fallu attendre certaines évolutions et transformations pour valoriser ces liens-là au sein de nos organisations. Nous observons dernièrement un changement dans la relation entre manager-collaborateur (que nous n'appelons plus salarié d'ailleurs !) avec l'apparition de nouvelles formes de management : management bienveillant, entreprise libérée, autonomisation des équipes, engagement collaborateur, montée en compétences par exemple. Un certain nombre d'entreprises prônent maintenant une organisation verticale, voire à l'extrême sans hiérarchie, où les managers ne sont plus les seuls détenteurs de l'information. Dans cette logique-là, le manager existe toujours mais son rôle et son attitude sont repensés : proximité, animation, réactivité sont les nouveaux maîtres-mots. Ses missions, qui demandent d'être portés par l'humain, encouragent ainsi les liens interpersonnels.

Ce schéma reprend le processus de destruction du lien social, en passant du lien de subordination au lien interpersonnel.


L'Entreprise Diffuse est l'aboutissement d'un processus d'allègement des organisations

Jusqu'au début du XXème siècle, les entreprises se reposent sur les principes du colbertisme. Une division du travail s'opère mais toute la chaîne de production reste centralisée en entreprise. La majorité des fabricants travaillent le produit du stade de matières premières jusqu'à la production, sans jamais recourir à une assistance extérieure. Ils utilisent même leurs propres ressources pour s'assurer de la livraison dans les magasins de l'entreprise. A partir des années 50, à


l'époque où les moyens de locomotion sont définitivement popularisés, les fabricants - particulièrement de biens de consommation et électroniques - prennent conscience des bénéfices à externaliser certains de leurs services au lieu de les garder en interne : spécialisation technique de


s salariés, diminution des coûts de main d'oeuvre, augmentation de leur capacité de production... Au fil du temps, nous assistons donc à une multiplication du nombre de fournisseurs qui se positionnent sur un maillon précis de la chaîne de valeur.


Les grandes entreprises ont progressivement mis en place un système de production intégré qui leur permet de gérer une chaîne d'approvisionnement étendue et complexe. Les industriels analysent donc leur chaîne de valeur de manière plus globale en intégrant l'amont (avec l'ensemble des fournisseurs) et l'aval en vue de simplifier les décisions entre les opérateurs, d'assurer la traçabilité en temps réel des opérations, de collecter des données fiables et d'unifier les processus. Finalement, ces entreprises cherchent à agiliser leurs modes de production et d'organisation pour répondre à un double objectif : la satisfaction, la fidélisation des clients et la rentabilité. Aujourd'hui, grâce au Big Data et sous l'effet d'une évolution des attentes client, l'anticipation de la demande est de plus en plus sophistiquée. Les services logistiques travaillent main dans la main en intégrant de manière fluide la production, l'inventaire, le marketing, la distribution, le service après-vente ...


Ainsi, depuis le début de l'ère industrielle, l'entreprise a prospéré dans une logique d'intégration. Tandis que les vagues d'ERPisation ont complexifié les modes de production, les entreprises se sont construits des écosystèmes de compétences, rendant vitaux les liens d'interaction entre organisations intégrées ramenées à leur coeur de métier. Toutes les entreprises sont concernées soit en tant qu’objet d’interaction soit en tant que sujet-grand ordonnateur.


Qu'est ce que l'Entreprise Diffuse ?

Et si l'entreprise diffuse était une nouvelle étape d'un processus de destructuration conduisant l'entreprise d'une position verticale à une position horizontale.


L'image de la Bouteille de Klein


Ce schéma reprend les constats développés précédemment et illustre les évolutions et le chemin de pensée qui fait passer de l'entreprise pyramidale à l'entreprise diffuse. En décortiquant le schéma ci-dessus, nous mettons en avant les caractéristiques des entreprises pyramidale et étendue, pour proposer en dernier lieu une métaphore de l'Entreprise Diffuse à travers la Bouteille de Klein*.

  • Le XXème siècle débute sur l’idée qu’une organisation se construit sur la base de liens pérennes de subordination et dans une pure logique d’intégration, les liens interpersonnels répondant à une logique de caste. C'est dans cette idée-là que nous représentons une entreprise féodale (ou pyramidale) par une pyramide de pierre. Concentration des pouvoirs. Au sommet, un faible effectif centralise le pouvoir le décision et l'autorité. Le modèle décisionnel est donc principalement top-down. Organisation rigide et solide. À travers les liens de subordination omniprésents, les rapports au sein de l'entreprise sont très codifiés pour maintenir une organisation rigide. Hermétique aux interactions venant de l'extérieur. Par son aspect opaque et ses bords parfaitement délimités, cette entreprise développe peu d'interactions et filtre les manifestations venant de l'extérieur. C'est un acteur isolé dans son écosystème d'affaires

  • Le XXème siècle s’achève et le XXIème siècle débute sur l’idée qu’une organisation se construit sur la base de liens précaires de subordination, de liens pragmatiques de coopération et dans une logique mixte d’intégration/interaction, les liens interpersonnels servant de liant et répondant à une logique communautaire. Le concept d'entreprise ouverture (ou étendue) naît, représentée ici par une pyramide hexagonale en verre. Ouverture sur l'écosystème extérieur. La pyramide de verre est moins hermétique que la pyramide de pierre : l'entreprise collabore avec des partenaires extérieurs qu'elle choisit attentivement en amont. L'entreprise devient plus transparente et large en superficie pour illustrer le fait que l'entreprise devient un lieu d'interactions avec l'environnement extérieur. L'entreprise étendue est un acteur diffus dans l'écosystème dans lequel elle évolue. Maintien d'une entreprise pilote. Le périmètre de l'organisation reste cependant bien délimitée, qui cherche toujours à définir un dedans et un dehors de l'organisation. Cette entreprise est leader puisque viennent d'elle les liens de coopération pour externaliser des activités, qu'elle n'a pas intérêt (ou pas la possibilité) à réaliser. Management transversal. Une nouvelle relation se dessine avec l'entreprise, c'est-à-dire le renoncement à un management top-down au profit d'une organisation plus porteuse de sens pour ses collaborateurs.

  • Le XXIème siècle s’achèvera-t-il sur l’idée qu’une organisation se construit sur la base de liens interpersonnels durables, de liens opportunistes de coopération et dans une logique principalement d’interaction, les liens de subordination apparaissant en situation de crise ? En effet, l'entreprise diffuse est un état d'esprit dans lequel le lien interpersonnel et la logique d'interaction sont une façon de faire autrement des affaires. La Bouteille de Klein* donne à voir le concept d'Entreprise Diffuse. Inventée par Félix Klein en 1882, elle est un objet topologique tridimensionnel qui possède deux particularités : il est sans bords et il est non orientable, c'est à dire que l'intérieur et l'extérieur se confondent. Porosité de l'Entreprise Diffuse. À la différence des entreprises traditionnelles vues comme des boîtes physiques, juridiques dans lesquelles les collaborateurs s'enferment, l'Entreprise Diffuse se veut totalement perméable. La bouteille de Klein* est sans bords : les personnes en relation forment une Entreprise Diffuse mais sans signer de contrat avec elle. Tout est dedans et rien n'est dedans en même temps. Une entreprise fragile et en mouvance. Le lien faible entre les membres de l'entreprise diffuse est à la fois ce qui fait tout son sens et ce qui menace son équilibre, ce qui donne à l'Entreprise Diffuse son caractère flou. Lors de la démarche de révélation, il faut veiller à ne pas briser ce système de confiance.

Définition de l'Entreprise Diffuse

À partir de tous les éléments donnés précédemment, nous proposons une définition (non exhaustive) du de l'Entreprise Diffuse, concept qui s'enrichit et se dessine encore aujourd'hui.

Une Entreprise Diffuse s'appuie sur les liens interpersonnels noués par quelques acteurs de l'écosystème d'affaires au sein de cet écosystème et bien au-delà. Ces liens sont le résultat de plusieurs années d’activité de chacun. Certains de ces liens sont puissants ; certains acteurs savent les activer à leur bénéfice, parfois au bénéfice d’entreprise. Pour autant ceci ne constitue pas en l’état une Entreprise Diffuse, il s’agit d’une jachère avec quelques jardins privés, réseaux personnels, communautés ; rien qui ne traduise à ce stade une volonté entrepreneuriale, qui ne constitue une entreprise.


La finalité d’une Entreprise Diffuse est de donner une valeur entrepreneuriale à certains de ces liens interpersonnels. Un jour, se forme un collectif ou une communauté d'affect, d'idées ou de valeurs ; composée de personnes qui ont un jour l'intérêt ou le plaisir de se rencontrer et qui lient entre eux des liens interpersonnels. Mais la forme d'Entreprise Diffuse ne peut être rattachée à l'idée seule de communauté. L'Entreprise Diffuse naît de la volonté de telles ou telles personnes ou organisations de les faire se retrouver dans un projet d'entreprendre. La logique d'interaction est donc au coeur de l'Entreprise Diffuse. Nous parlons d'interaction de personnes dans le cadre de liens interpersonnels, d'interaction entre des organisations dans le cadre de liens de coopération. L'Entreprise Diffuse par essence n'obéit pas à des liens d'intégration ou forts mais bien des liens faibles, fragiles par définition.


Une Entreprise Diffuse naît donc de la prise de conscience par une entreprise ou quelques acteurs, du bien commun que cet écosystème peut apporter. Cette prise de conscience - reconnaître, nommer, déceler - est la première étape dans la constitution d'une Entreprise Diffuse.


La période actuelle met en évidence nos entreprises diffuses

Aussi bien les entreprises que les individus, tous évoluent dans un environnement vaste où interagissent entre eux nombre d'éléments. Ils sont devenus des noeuds de contacts. L'Entreprise Diffuse tire profit de cet environnement pleins de ressources, en valorisant le réseau que nous construisons pendant notre vie.


La complexité de nos organisations

Partons ici d'un constat : l'entreprise noue de multiples relations avec des partenaires extérieurs pour poursuivre un but commun. Ces relations sont de formes très diverses : directes, indirectes, formelles, informelles ou encore horizontales, verticales, transversales ou diffuses. C'est au vu du nombre d'interactions développées par des organisations - entre elles ou avec des individus- que nous parlons d'écosystèmes d'affaires. Ainsi, les managers sont appelés à considérer l'entreprise non plus seulement comme le centre de son action mais comme un acteur d’un univers plus vaste. On en vient à considérer que l’efficacité d’une chaîne ne réside pas seulement dans l’excellence de chacun des maillons mais, pour beaucoup, dans l’articulation des maillons.


Nous parlons de complexité des ensembles pour caractériser l'état d'un système dans lequel circulent une multitude flux, diversifiés, multi-directionnels et donc les combinaisons infinies confèrent au système des profils différents dans le temps. Appréhender la complexité d'un ensemble, c'est finalement comprendre le rôle des interactions et des liens au sein de cet écosystème. L'analyse stratégique d'un écosystème d'affaire, pour qu'elle soit considérée fiable et pertinente, exige de prendre en considération l'organisation et son environnement, c'est à dire l'ensemble des éléments internes / externes et leurs dynamiques. Par sa logique d'interaction et de valorisation des liens interpersonnels, l'entreprise diffuse s'inscrit dans l'approche écosystémique : elle est à la fois un acteur diffus (ou sous-système) d'un écosystème et un écosystème à elle seule.

Sous-système diffus. Les organisations doivent élargir leur périmètre d'impact sur leur environnement, et réciproquement. Déceler, reconnaître l'Entreprise Diffuse, c'est reconsidérer les frontières d'un écosystème en intégrant des acteurs réels mais encore ignorés et peu valorisés. Et dans ce cas-là, l'Entreprise Diffuse rime avec opportunités et bénéfices.

Ecosystème en perpétuelle mutation. L'Entreprise Diffuse est un ensemble d'acteurs que des idées, valeurs, ou affect partagés font se retrouver. Finalement, elle est composée de systèmes (des individus dont les expériences, le vécu, l'attitude rendent uniques) en fortes et constantes interactions. Or, la théorie des systèmes complexes et du chaos met en avant le caractère très évolutif et instable de des systèmes où la logique d'interaction est prédominante. Le principes de co-évolution et co-création au sein de l'Entreprise Diffuse (fondée sur la valorisation des liens interpersonnels et la confiance) sont d'autant plus exigeants.


Prolifération des relations sociales et liens interpersonnels à travers les médias sociaux

D'une certaine manière, l'émergence des médias sociaux a mis en évidence le fait sociologique que chaque individu est un noeud de réseau de contacts : famille, condisciples, habitants de la même région d’origine, collaborateurs anciens ou actuels, clients, fournisseurs, partenaires, pratiquants du même loisir, membres de la même association, anciennes relations sentimentales, entreprises dans lesquelles on investit… Plus particulièrement, le rôle des médias dans la création et l'animation de collectifs et de communautés est évident. Tout un chacun au-cours de sa vie de sa carrière noue des relations mais tout ceci reste informel jusqu’à ce qu’à l’occasion d’un événement ou autre, plusieurs individus ressentent l’envie, le besoin de créer un « collectif » ne serait-ce qu’éphémère. Aujourd'hui, les réseaux sociaux sont les vecteurs chaotiques et surpuissants du rôle du lien interpersonnel et de la logique d’interaction partant de phénomènes hasardeux ou rationnels, pour initier un mouvement de société.


Les médias sociaux jouent un rôle dans la valorisation et le "faire reconnaître" des liens interpersonnels, qui sont par définition faibles et diffus. Les jeunes générations grandissent dans un monde numérique et technologique. La présence constante des écrans dans le quotidien exige de repenser la notion de l'être humain puisque de plus en plus de facettes de l'identité (sociale) se retrouvent et se construisent à travers cette vie numérique. Aujourd'hui, grâce à internet, il devient possible de cartographier, de rendre visibles les relations et les communautés auxquelles une personne appartient. Les médias sociaux mettent donc en lumière les liens interpersonnels d'une personne permettant ainsi de déceler ses entreprises diffuses, d'en définir son périmètre et ses membres !



Pour conclure, les évolutions de notre société, la complexification de nos organisations ont finalement permis aux Entreprises Diffuses de grandir et se développer. Il s'agit de voir encore plus loin en considérant l'ensemble des éléments qui représentent une opportunité pour nos organisations. Or, nombre de personnes, collaborateurs, managers n'ont pas encore conscience de la valeur des liens interpersonnels et n'en tirent pas profit. Quelle est alors la démarche de révélation d'une Entreprise Diffuse ? Comment favoriser l'émergence d'une Entreprise Diffuse ?

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